C’est par la route du nord et par la tour Carbonnière que je suis venu pour la première fois à Aigues-Mortes. Au loin, la tour de Constance et les remparts se démarquaient dans la plaine de la petite Camargue. Des marais et des étangs s’étendaient tout autour. En direction de la mer, le long du canal qui mène au golfe du Lyon, les camelles baignant dans les eaux rouges des salins attiraient le regard. Depuis cette première fois, mon attrait pour Aigues-Mortes est demeuré intact. Les remparts délimitent le cœur même de la cité, née au XIIIe siècle de la volonté de Saint Louis. Chaque soir, l’éclairage des fortifications accentue leur caractère majestueux. Elles paraissent ainsi surgir dans la nuit et rappellent le passé glorieux de ces lieux. Leur présence revêt une dimension irréelle et onirique, propre à stimuler notre imaginaire. Un grand nombre de marques, le plus souvent de formes géométriques, peuvent être observées sur les pierres. Ces traces constituent les signatures des tailleurs de pierre qui bâtirent jadis la cité et qui étaient payés à la tâche. Grâce à ces signes mystérieux qui ont traversé les siècles, le temps semble suspendu. Entre hier et demain, Aigues-Mortes est figée dans un entre-deux fragile. Les remparts symbolisent cet entre-deux. Ils structurent la vie des habitants en séparant l’intérieur des murs de l’extérieur. A l’intérieur, un sentiment de sérénité prévaut tandis qu’à l’extérieur, l’agitation si caractéristique de la ville contemporaine reprend ses droits.